———-FORAMINIFERA———-

Porquerolles.-torpi-55

« LE MONDE DES FORAMINIFÈRES »

Quelques chiffres d’un monde animal miniature méconnu :
– les origines de ces animaux sont estimées à environ 550 millions d’années et leurs tailles les plus courantes vont de 0.25 mm à quelques mm (il en existe de plus petits et des géants qui peuvent atteindre 15 cm et c’est le cas des nummulites)
– Hérodote (5 siècles avant J.C.), Strabon (- 57 + 25) ou Pline l’ancien (+ 23 + 79) avaient déjà repéré ces petites bêtes en grande quantité dans les pierres calcaires des pyramides d’ Egypte, mais en 1758, on ne parlait encore que d’une vingtaine de foraminifères (10éme édition de Systema Naturae du suédois Ch. De Linné).
– Cette science – la micropaléontologie – ne prit un envol réel que vers les années 1920 pour les besoins de la recherche pétrolière et aujourd’hui plus de 50.000 espèces de foraminifères ont été recensées depuis leur apparition sur terre et l’on en compte 5.000 de vivantes ce jour.
– 3 milliards d’individus au m3 dans certaines roches calcaires du bassin parisien. Exemple : la pierre à Liard du mont Berny dans l’Oise.

porquerolles-37-bis-Porquerolles

Mais qui sont-ils ces foraminifères ?
Ce sont des organismes unicellulaires du monde animal.
Une seule cellule et une coquille, rien de plus simple (en apparence).
Cette coquille appelée « test » (prononcez té) protège la cellule qui se divise en endoplasme à l’intérieur et ectoplasme à l’extérieur.
Des pseudopodes, longs filaments fins plus ou moins anastomosés (réunis entre eux), servent à capturer leur nourriture et à se déplacer.
Ce test peut prendre des formes architecturales absolument magnifiques dans des matériaux très divers, mais la majorité des foraminifères sécrète le calcaire nécessaire à la formation de leur coquille.
Ces coquilles sont en général agencées en plusieurs loges (chambres) se construisant au cours de la croissance de l’individu. Ces loges sont disposées de manière spiralée, rectiligne, enroulée etc… et communiquent entre elles par une petite ouverture appelée foramen en latin d’où le nom de foraminifère.
Certains foraminifères, en plus d’être de bons architectes, sont aussi de bons entrepreneurs. Ils peuvent assembler différents matériaux empruntés au biotope naturel, grains de sable, spicules d’éponge, paillettes de mica et autres débris variés en secrétant une sorte de ciment colle pour former une coquille agglutinée.
Afin d’assurer la rigidité de leur coquille, les grands foraminifères ont développé des systèmes très sophistiqués pour construire des cloisons supplémentaires. Ils n’ont pas eu besoin d’ordinateur pour trouver bien avant nous les avantages et la solidité des formes de la tôle ondulée, du carton gaufré ou de la boîte d’œufs.

2014-11-20_Mayotte-09-HPEW6Mayotte

2014-11-17_Mayotte-04-HPEW6Mayotte2014-11-20-Mayotte-07-HPEW6Mayotte

Où et comment vivent les foraminifères ?
Les foraminifères vivent en milieu marin dans toutes les mers du globe.  (quelques exemples vous sont montrés ici)
Quelles soient glacées ou tropicales, toutes les mers sont le lieu de vie pour tel ou tel type de foraminifères tout en remarquant cependant qu’en milieu tropical certaines espèces ont des tailles plus importantes.
On trouve aussi des foraminifères dans certains lacs salés des déserts. (Libye, Egypte)
On classe les foraminifères en deux groupes bien distincts : les planctoniques et les benthiques.
Les premiers voyagent au gré des courants, les seconds se fixent au fond sur différents supports (roche, plantes marines) et se déplacent éventuellement de quelques centimètres par heure à l’aide de leurs pseudopodes.
Ils se nourrissent d’algues microscopiques, de micro-organismes ou de matériaux organiques divers.

Madagascar-9.-SigmohauerinaMadagascar

mada-16Madagascar

 

Evolution
Petits par leur taille, ayant une durée de vie très courte (quelques semaines), mais d’une fécondité énorme (une seule fois mais pour des milliers d’individus), les différents types de foraminifères sont devenus au cours des millions d’années de leur existence et de leur évolution des marqueurs géologiques.
Vidés de toute substance vivante après la reproduction, les tests tombent au fond de la mer, s’accumulent sur de grosses épaisseurs (5 à 6 cm par siècle à certaines époques) et se transforment au fil du temps en roche calcaire.
Les falaises de Normandie par exemple, sont d’anciens fonds marins constitués en grande partie par des foraminifères planctoniques.
Dans les abysses, au-delà de 5.000 m environ, les tests calcaires des foraminifères planctoniques (type globigérine en grande majorité), sont dissous par la pression et deviennent des boues. Seules les coquilles agglutinées peuvent résister.
A l’époque du Lutétien (-49 – 41 millions d’années), l’accumulation de foraminifères benthiques a produit des roches que l’homme a utilisées du Moyen Âge à la Renaissance pour la construction d’églises, de châteaux et de nombreux monuments de Paris. Ce foraminifère (Nummulite laevigatus) était de la forme du Liard, cette pièce de monnaie royale en cuivre qui valait un quart de sou, d’où le nom de pierre à Liard précédemment citée.

13-11-20_-Hesemann-18-HF-PE-600Allemagne

On comprend facilement que les différentes espèces qui se sont succédées et qui ont évolué au cours de 550 millions d’années d’existence, représente une source de renseignements sur chaque période géologique. L’étude des foraminifères fossiles à chaque étage stratigraphique, de par sa précision et sa sûreté remarquable est utile à la recherche pétrolière en particulier.
C’est sans conteste cette activité économique qui, dès les années 1920, a contribué au développement de la micropaléontologie.

star-sand-takéomi-3-final

star-sand-taketomi-1-texteJapon

Inconnus de la plupart d’entre nous, ces animalcules sont également étudiés pour la faisabilité de certains projets tels que percements de tunnels, parkings souterrains, etc…
Le tunnel sous la Manche, qui est un exploit technique et scientifique moderne, doit entre autres sa réalisation à un foraminifère d’un type très précis. La réussite du creusement impliquait de s’effectuer dans une couche géologique de craie appelée « craie bleue du cénomanien » (- 95 millions d’années). Les limites entre cette craie bleue et la couche de craie grise supérieure et inférieure n’étant pas détectable, le tunnelier, énorme machine, monstre technologique, a donc suivi à la trace un petit foraminifère planctonique de quelques centaines de microns, le « Rotalipora reicheli » caractéristique du sommet de la craie bleue.
Bien d’autres applications pourraient être décrites et il faudrait sans doute 20 volumes de Larousse pour étudier ce monde animal, ses caractéristiques, son vécu et son devenir.

PALAWAN-Honda-bay-05--web-Philippines

 

Je ne suis pas un scientifique, simplement un amateur, un curieux, un contemplatif de toutes choses. Je ne peux vous ouvrir qu’une toute petite porte du monde des foraminifères et dire merci à celles et à ceux qui ont éveillé ma curiosité. ( un grand merci en particulier à monsieur Margerel J.P. retraité de l’université de Nantes qui a gentiment consacré une partie de son temps à me faire découvrir ce monde méconnu )

mer-des-camotes-4-(3)Philippines

final-3-amphisorus-hemprichi-copiePhilippines

Maintenant lorsque vous marcherez sur une plage, si vous entendez que l’on crie :
« attention ! je suis en dessous tu m’écrases ! » ……. il s’agira peut-être d’un test de foraminifère en détresse.
Marchez sur la pointe des pieds …………..

13-11-11_hesemann-10-HF+PE-600Allemagne

Bernard Remaud
Bibliographie
– BIGNOT G., (2001) – « Introduction à la Micropaléontologie ». Coll. Géosciences, Gordon & Breach Ed.
– DEBENAY, PAWLOWSKI et DECROUEZ (1996) – « Les foraminifères actuels ». Masson Ed.
– LE CALVEZ Y. (1977) – « Cahiers de micropaléontologie, T1 et T2, île de Cuba ». CNRS
– MARGEREL JP.- ( nos rencontres personnelles à Marseille )
– NOUET R. (2001) – « Connaissez-vous les foraminifères ? » (comm. perso.).
– ROBERT WYNN JONES. (1994) – « The Challenger Foraminifera ». Oxford University Press.
– TAQUET Ph. (2002) – « MNHN de Paris, Alcide d’Orbigny, du Nouveau-Monde au passé du monde ». Nathan Ed.
– VENEC-PEYRE M-Th. (2005) – « Les planches inédites de foraminifères ». Publication MNHN, Paris.

13-11-06_-Hesemann-3-HF+PE-

13-11-11_hesemann-8-HF+PE-600Allemagne

 

Photos Bernard Remaud.  Reproduction interdite sans autorisation

:::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::